Nouveau régime contentieux pour les autorisations relatives aux projets d’énergie renouvelable (hors éolien) et aux ouvrages des réseaux publics d’électricité.

Après les énergies marines renouvelables (article R. 311-1-1 du code de justice administrative, ci-après « CJA ») et l’éolien terrestre (article R. 311-5 du CJA), les autres sources d’énergies renouvelables et les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité bénéficient à leur tour d’un régime contentieux dérogatoire devant les juridictions administratives.

Ce régime, qui vise à accélérer la transition énergétique en diminuant la durée des nombreux contentieux dont font l’objet les projets précités, est prévu par le nouvel article R. 311-6 du CJA introduit par le décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022.  

1. Champ d’application

Ce régime dérogatoire est limité dans le temps : il s’applique uniquement aux recours dirigés contre les décisions administratives prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026.

Les projets concernés sont les suivants :

  • Installations PV de puissance égale ou supérieure à 5MW ;
  • Installations hydroélectriques de puissance égale ou supérieure à 3MW ;
  • Installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute, à l’exclusion des installations de méthanisation des eaux usées ou des boues d’épuration urbaine sur leur site de production ;  
  • Gites géothermiques mentionnés à l’article L. 112-1 du code minier, à l’exception des activités de minime importance mentionnées à l’article L. 112-2 du même code ;
  • Ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution (hors raccordement des énergies marines renouvelable et de l’éolien terrestre).

Le nouvel article R. 311-6 fixe la liste des nombreuses décisions concernées par ce nouveau régime. Il s’agit notamment du permis de construire, de l’autorisation environnementale, de la dérogation « espèces protégées », de l’autorisation de défrichement, de la déclaration ICPE ou IOTA, de la déclaration d’utilité publique des projets de lignes électriques aériennes et souterraines (sauf lorsqu’elle emporte mise en compatibilité des documents d’urbanisme), de l’approbation des projets de lignes électriques aériennes supérieures à 50 kV…

A noter : sont également concernées les décisions de refus des autorisations précitées, ce qui a des conséquences importantes en cas de recours gracieux (cf. infra).

2. Spécificités de ce régime contentieux

Contrairement à ce qui est prévu pour les énergies marines renouvelables (qui relèvent du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort) et pour l’éolien terrestre (compétence des cours administratives d’appel en 1er et dernier ressort), ce nouveau régime contentieux ne supprime pas le double degré de juridiction, mais introduit des délais de jugement sanctionnés par une procédure « toboggan » :

Pour les litiges portant sur les décisions précitées, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel devront chacun statuer dans un délai de dix mois à compter de leur saisine. A défaut de décision rendue dans ce délai, le litige sera automatiquement porté devant la juridiction de rang supérieur (dessaisissement du TA au profit de la CAA, dessaisissement de la CAA au profit du Conseil d’Etat). Le délai de jugement devant le Conseil d’Etat n’est en revanche pas encadré.

La deuxième spécificité de ce régime est de limiter à deux mois le délai de recours contre toutes les décisions concernées (alors que le délai de droit commun est de 4 mois pour le recours des tiers contre l’autorisation environnementale, les déclarations ICPE et IOTA…), et de prévoir que ce délai n’est pas prorogeable. Dans la mesure où les décisions de refus sont également concernées par ce régime dérogatoire, il est donc désormais vivement déconseillé aux porteurs de projets d’introduire un recours gracieux ou hiérarchique contre les décisions de refus, sauf à le faire en parallèle d’un recours contentieux. En effet, de tels préalables amiables ne permettront plus de proroger le délai de recours.

Enfin, lorsqu’il a été sursis à statuer pour régularisation en application des articles L. 181-18 du code de l’environnement ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel disposent d’un délai de 6 mois à compter de la réception de la mesure de régularisationpour statuer sur la suite à donner au litige. En cas de non-respect de ce délai, il est également prévu un dessaisissement automatique au profit de la juridiction de rang supérieur.

Même s’il concourt à complexifier la procédure contentieuse devant les juridictions administratives, ce nouveau régime dérogatoire mérite d’être salué : il permettra en effet de diminuer le temps de traitement des contentieux de projets indispensables à la transition énergétique.

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